L’année 2016 reste dans les mémoires de tous les promoteurs du concept de revenu universel. Souvenons-nous. L’année avait commencé avec le rapport du Conseil National au Numérique (CNum) qui invitait à étudier sérieusement cette option pour compenser la crainte d’une disparition de millions d’emplois. Puis le rapport Sirugue proposait dans son troisième scénario l’adoption d’une prestation « socle » pour remplacer le maquis des minima sociaux actuels. L’annonce par le gouvernement finlandais d’une prochaine expérimentation agitait les esprits, en particulier au Sénat qui décidait de lancer une ambitieuse mission d’information dont le rapport remis le 10 octobre est toujours le document de référence en France.
Puis est venue la campagne présidentielle, avec les engagements de Nathalie Kosciusko-Morizet à droite, de Benoît Hamon à gauche. Sa victoire surprise à la primaire socialiste est indéniablement à mettre au crédit de sa proposition innovante d’un Revenu universel d’existence (RUE). Mais si les militants socialistes l’ont plébiscité face à Manuel Valls le 29 janvier 2017, la déception a été énorme le 23 avril au soir du premier tour de la présidentielle, le champion du RUE marquant un score historiquement bas – 6,36% – pour le Parti Socialiste. C’en était fini du revenu universel !
Mais quelques fleurs ont recommencé à pousser sur ce champ de ruine. Ceci s’explique par deux facteurs.
D’abord, nous constatons que ceux qui ont atteint un jour une compréhension de la proposition n’oublient jamais. Une fois que sa cohérence nous a illuminé et qu’on en perçoit les avantages pour la communauté, il devient difficile de lâcher l’affaire !
Ensuite, les faits sont têtus. Les inconvénients des systèmes actuels sont récurrents. Les réformes partielles distillées par tous les gouvernements depuis 30 ans sont impuissantes à améliorer la situation des personnes fragiles et rétablir un fonctionnement vertueux d’une économie inclusive.
C’est pourquoi le président Macron a créé une certaine émotion en septembre 2018 par l’annonce d’un prochain « Revenu universel… d’activité », qu’il défendait d’appeler RUA, initiales que tout le monde a adopté. Les travaux titanesques entrepris par Fabrice Lenglart début 2018 se sont poursuivis pendant deux ans, jusqu’à l’arrêt dû à la crise Covid. Il a mobilisé des experts de 30 institutions, avec des centaines de réunions de travail produisant une série impressionnante de rapports intermédiaires remarquables… afin d’analyser comment regrouper le RSA, la Prime d’activité et les APL…
Dans le même temps, une série d’initiatives de tous ordres, auxquelles l’AIRE s’est souvent associé, a relancé l’intérêt d’une réforme plus large et ambitieuse, incluant la dimension fiscale qui manque désespérément à la feuille de route du RUA.
Cette débauche d’énergie a fini par convaincre de nombreux parlementaires que l’expertise technocratique ne peut pas résoudre un problème politique aussi fondamental : il faut s’armer de dispositifs beaucoup plus robustes et automatiques pour protéger efficacement l’ensemble de la population de crises économiques, dont nous savons qu’elles se reproduiront après que nous aurons dépassé l’épisode inouï de l’année 2020.
Le 26 novembre 2020, une très large majorité de 106 députés (contre 11) à voté une résolution préparée par la députée Valérie Petit, du groupe Agir ensemble, demandant le lancement d’un débat public sur la création d’un mécanisme de revenu universel appelé Socle Citoyen.
Cette formulation lancée par une tribune le 4 mai 2020 rejoint la définition du dispositif que l’Assemblée de Corse souhaite expérimenter, validée par un vote à l’unanimité le 30 avril.
Objectivement, l’année 2021 se présente comme une année faste pour le revenu universel. Alors que Benoît Hamon vient de sortir un livre plaidoyer pour un revenu universel, tous les acteurs se remobilisent pour que la présidentielle de 2022 soit l’occasion d’avancées décisives.
L’AIRE, comme depuis son origine célébrée par son trentième anniversaire en septembre 2019, poursuivra son travail de soutien à toutes ces initiatives politiques. Oui, nous l’instaurerons !